Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/305

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ment pénible : pendant les deux heures que durait le jeu public de la reine, il restait sans bouger en face de la place de Sa Majesté ; à la chapelle, il se plaçait de même sous ses yeux, et ne manquait pas de se trouver au dîner du roi ou au grand couvert ; au spectacle de la ville, il s’asseyait le plus près possible de la loge de la reine ; il partait toujours pour Fontainebleau, pour Saint-Cloud, un jour avant la cour ; et lorsque Sa Majesté arrivait dans ces différentes habitations, la première personne qu’elle rencontrait, en descendant de voiture, était ce lugubre fou qui ne parlait jamais à personne. Pendant les séjours de la reine au petit Trianon, la passion de ce malheureux homme devenait encore plus importune ; il mangeait à la hâte un morceau chez quelque suisse, et passait le jour entier, même par les temps de pluie, à faire le tour du jardin, marchant toujours aux bords des fossés. La reine le rencontrait souvent quand elle se promenait seule ou avec ses enfans ; cependant elle ne voulait permettre aucun moyen de violence pour la soustraire à cette insoutenable importunité. Ayant un jour donné à M. de Sèze une permission d’entrer à Trianon, elle lui fit dire de se rendre chez moi, et m’ordonna d’instruire ce célèbre avocat de l’égarement d’esprit de M. de Castelnaux ; puis de l’envoyer chercher, pour que M. de Sèze eût avec lui un entretien. Il lui parla près d’une heure, et fit beaucoup d’impression sur son esprit : enfin M. de Castelnaux me pria