Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/307

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Si le roi n’a point inspiré à la reine un vif sentiment d’amour, il est au moins bien sûr qu’elle lui en accordait un mêlé d’enthousiasme et d’attendrissement, pour la bonté de son caractère et l’équité dont il a donné tant de preuves multipliées pendant son règne. Nous la vîmes rentrer un soir fort tard ; elle sortait des cabinets du roi ; et nous dit à M. de Mizery et à moi, en essuyant ses yeux remplis de larmes : « Vous me voyez pleurer, mais n’en prenez pas d’inquiétude : ce sont les plus douces larmes qu’une femme puisse verser ; elles sont causées par l’impression que m’ont faite la justice et la bonté du roi ; il vient d’accorder à ma demande la révision du procès de MM. de Bellegarde et de Monthieu, victimes de la haine du duc d’Aiguillon contre le duc de Choiseul. Il a été tout aussi juste pour le duc de Guines, dans son affaire avec Tort. Il est heureux pour une reine de pouvoir admirer, estimer celui qui lui fait partager son trône ; et vous, je vous félicite d’avoir à vivre sous le règne d’un souverain aussi vertueux. » Nos larmes d’attendrissement se mêlèrent à celles de la reine ; elle voulut bien nous permettre de baiser ses char-

    duchesse de Choiseul, vivement intéressée dans cette affaire, suppliait un jour la reine, en ma présence, de vouloir bien au moins faire demander à M. le premier président quand on appellerait sa cause ; la reine lui répondit qu’elle ne ferait pas même cette démarche, puisqu’elle dénoterait un intérêt qu’il était de son devoir de ne pas manifester.

    (Note de madame Campan.)