Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/309

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politique ; ce fut ce même sentiment qui la décida à demander la révision du procès de MM. de Bellegarde et de Monthieu. Le premier, colonel et inspecteur d’artillerie, le second propriétaire de forges à Saint-Étienne, avaient été condamnés, sous le ministère du duc d’Aiguillon, à vingt ans et un jour de prison, pour avoir réformé, dans les arsenaux de la France, d’après un ordre du duc de Choiseul, un nombre infini de fusils, livrés comme n’ayant plus que la valeur du fer, tandis que la plus grande partie de ces fusils furent, à l’instant même, embarqués et vendus aux Américains. Il paraît que le duc de Choiseul avait fait connaître à la reine, comme moyens de défense pour les condamnés, les vues politiques qui l’avaient décidé à autoriser cette réforme et cette vente, de la manière dont elle avait été exécutée. Ce qui rendait la cause de ̃MM. de Bellegarde et de Monthieu plus défavorable, c’est que l’officier d’artillerie qui avait fait la réforme, en qualité d’inspecteur, se trouvait, par un mariage clandestin, beau-frère du propriétaire des forges, acquéreur des armes réformées. Cependant l’innocence des deux prisonniers fut prouvée ; ils vinrent à Versailles, avec leurs femmes et leurs enfans, se jeter aux pieds de leur bienfaitrice. Cette scène touchante se passa dans la grande galerie, à la sortie de l’appartement de la reine : elle voulut empêcher les femmes de se mettre à genoux, disant que la justice seule leur avait été rendue ; qu’elle devait en ce moment même être félicitée sur