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Au monologue de Figaro, dans lequel il attaque diverses parties d’administration, mais essentiellement à la tirade sur les prisons d’État, le roi se leva avec vivacité et dit : « C’est détestable, cela ne sera jamais joué : il faudrait détruire la Bastille pour que la représentation de cette pièce ne fût pas une inconséquence dangereuse. Cet homme déjoue tout ce qu’il faut respecter dans un gouvernement. » Certes, le roi avait porté le jugement auquel l’expérience a dû ramener tous les enthousiastes de cette bizarre production. « On ne la jouera donc point ? dit la reine. — Non, certainement, répondit Louis XVI ; vous pouvez en être sûre. »

Cependant on ne cessait de dire dans la société que le Mariage de Figaro allait être joué ; il y avait même beaucoup de gageures à ce sujet : je n’aurais pas pu en faire moi-même, me croyant sur ce point beaucoup plus instruite que toute autre personne ; je me serais bien trompée. Les protecteurs de Beaumarchais, ou plutôt de son ouvrage, comptant réussir dans le projet de le rendre public, avaient, malgré la défense du roi, fait distribuer les rôles du Mariage de Figaro aux acteurs du Théâtre-Français. Beaumarchais les avait pénétrés de l’esprit de ses personnages ; et l’on voulut au moins jouir d’une représentation de ce prétendu chef-d’œuvre dramatique. Le premier gentilhomme de la chambre consentit à ce que M. de La Ferté prêtât la salle de spectacle de l’hôtel des Menus-Plaisirs à