Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/330

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on insinua dans le monde la résolution que Beaumarchais avait enfin prise de supprimer tous les passages de son ouvrage qui pouvaient blesser le gouvernement, et, sous prétexte de juger les sacrifices faits par l’auteur, M. de Vaudreuil obtint la permission de faire jouer ce fameux Mariage de Figaro à sa maison de campagne. M. Campan y fut invité ; il avait entendu plusieurs lectures de l’ouvrage, et n’y trouva point les changemens annoncés ; il en faisait la remarque à plusieurs personnes de la cour, qui lui soutenaient que l’auteur avait fait tous les sacrifices prescrits. Chacun venait à son tour l’en entretenir ; M. Campan fut si étonné de ces assertions sur une chose évidemment fausse, qu’il leur répondit par une phrase de Beaumarchais lui-même, dans son Barbier de Séville, et prenant le ton de Bazile, leur dit : « Ma foi, Messieurs, je ne sais pas qui l’on trompe ici, tout le monde est dans le secret. » On en vint alors au fait, et on lui demanda avec instance de dire positivement à la reine que tout ce qui avait été jugé répréhensible dans la comédie de M. de Beaumarchais en avait disparu : mon beau-père se contenta de répondre que sa position à la cour ne le mettant dans le cas d’articuler son opinion que dans l’occasion où la reine lui en parlerait la première, il n’en dirait son sentiment que si elle le lui demandait. La reine ne lui en parla pas. Peu de temps après, on obtint enfin la représentation de cet ouvrage. La reine croyait que Paris allait être bien