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vertes, adressé au duc d’Aiguillon, on avait pris les précautions les plus sévères, afin que ce ministre ne pût avoir aucun indice de la correspondance privée dont le roi avait jugé à propos de lui dérober la connaissance. Le second paquet secret fut adressé directement au ministre. C’était la copie des dépêches prussiennes interceptées, ainsi que d’autres dépêches particulières du ministère autrichien à l’ambassadeur impérial à Paris. Dans ces dernières on traçait au comte de Mercy la conduite publique ou secrète qu’il devait tenir dans telle ou telle circonstance, soit à l’égard du roi, soit à l’égard de madame la dauphine et de notre ministère. Une lettre séparée rendait compte de la manière dont s’était faite cette révélation : cette lettre informait le ministre que j’en étais l’agent intermédiaire. Le retour de notre courrier fut prompt. Je dois déclarer ici la vérité et rendre une justice entière au duc d’Aiguillon. Le prince de Soubise manda à son cousin comment ce ministre s’était expliqué au conseil de la manière la plus énergique et la plus flatteuse sur l’importance de cette découverte et sur le service signalé rendu par l’ambassadeur à l’État. La dépêche officielle de M. d’Aiguillon, et une lettre de sa main, dont j’ai l’original, s’expriment en des termes qui semblent effacer jusqu’aux moindres traces du froid et de l’aigreur jusqu’alors manifestés.

« Je partage avec sensibilité, disait-il, et la satisfaction que le roi a de vos services, et la gloire que cette découverte fait rejaillir sur votre mission. » Il est ensuite recommandé à l’ambassadeur de conserver, à tout prix, le fil de cette secrète et importante relation. Carte blanche lui est donnée, ainsi qu’à moi, pour les sommes que nous jugerions utiles et nécessaires à cette conservation.

» Le roi, qui avait mis le prince de Soubise dans le secret de sa politique privée, lui avoua que notre découverte avait jeté l’alarme parmi les premiers agens de ce ministère secret. Le comte de Broglie surtout en était très-alarmé. Il crai-