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Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/381

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dans le Danube. Le prince Louis, sans s’en étonner, en gagna d’autres dans les bureaux du prince de Kaunitz et jusque dans l’intérieur des appartemens de l’impératrice et de son fils. Il apprit que l’Autriche allait s’unir à la Russie contre la Porte et la France, et eut le bonheur de prévenir ces désastres que l’Autriche pouvait préparer à notre alliée. Le prince Louis réussit à intercepter les lettres de Kaunitz au comte de Mercy, ambassadeur autrichien en France ; il apprit par-là que la cour de Vienne s’était procuré des copies des dépêches du prince de Rohan au duc d’Aiguillon. Le comte de Mercy payait à la cour auprès de Louis XV, et dans les bureaux du duc d’Aiguillon, des traîtres qui préféraient les récompenses pécuniaires du comte de Kaunitz à la satisfaction sentimentale qu’éprouve un bon Français dans sa fidélité. Louis XV, indigné, ordonna à chacun de ses ministres, séparément, de lui faire connaître par écrit leurs soupçons, pour parvenir à dévoiler ce courtisan autrichien.

» Le prince Louis, de son côté, se procura des copies de la correspondance du prince de Kaunitz avec l’ambassadeur autrichien à Pétersbourg. La politique de la maison d’Autriche avec Catherine II y était encore mise au jour. Le comte de Mercy, qui eut communication de ces pièces envoyées par Rohan à Louis XV, en avertit Marie-Thérèse ; et Rohan avertit sa cour que le prince de Kaunitz, dépaysé, avait porté la précaution au point de faire changer les serrures de son cabinet, ne confiant qu’à son secrétaire exclusivement le dépôt des dépêches les plus sérieuses. Ces anecdotes diplomatiques démontrent les défiances et les sollicitudes des deux cours de Vienne et de Versailles, pendant le ministère du duc d’Aiguillon, et motivent le courroux ultérieur de Marie-Antoinette contre lui, quand elle fut devenue reine de France.

» Le 10 janvier 1774, le prince Louis avertit la cour que le prince de Kaunitz était parvenu à acheter les chiffres de