Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/380

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pôts de cette ligue anti-ministérielle. C’est ainsi que, pendant l’ambassade du prince de Rohan, le comte de Broglie fit voyager en Allemagne le jeune comte de Guibert, qui, sous divers prétextes, fit de longs séjours à Vienne.

» Dans les recherches que j’ai été à portée de faire sur cette étrange politique de Louis XV, il m’a été assuré, par des personnes bien instruites, qu’elle lui avait été suggérée par le vieil abbé de Broglie, oncle du maréchal et du comte. »

À ces renseignemens curieux, il faut joindre ceux que donne l’abbé Soulavie sur le ministère secret de Louis XV, sur l’espionnage des cours et la violation du secret des lettres. Par ce qu’on vient de lire, on reconnaîtra que l’abbé Soulavie était souvent bien instruit, et quelquefois véridique : les deux témoignages se prêtent un appui mutuel.

« La maison d’Autriche était parvenue à se procurer la communication de nos dépêches politiques du nord et du midi ; mais le prince Louis de Rohan, notre ambassadeur, habile dans le secret des ruelles, avait réussi de même à se procurer des copies des lettres intimes de l’empereur au roi de Prusse et de celles du prince de Kaunitz au comte de Mercy, ambassadeur de Marie-Thérèse à Versailles. Les deux cours dépensaient des sommes prodigieuses, non pour se rapprocher, vers la fin du règne du feu roi, mais pour s’épier, se sonder, se connaître, surtout relativement aux affaires de Pologne.

» Le prince Louis, depuis cardinal de Rohan, était parvenu, à cet égard, à des découvertes importantes. Il avait fait passer à sa cour les pièces secrètes relatives aux entrevues de Frédéric et de Joseph II à Neiss et Neustadt, en se procurant, à prix d’argent, des intelligences directes dans sa chancellerie. Le prince de Kaunitz qui en entretenait lui-même à Versailles, dans notre cabinet, parvint jusqu’à la source de la trahison de ses bureaux, et fit noyer un commis