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aussi éclatans. L’archevêque de Paris avait toujours dit très-haut, dans tous les temps, qu’elle avait rendu à la religion les plus signalés services[1]. À ce parti moliniste, se joignaient les ducs de Richelieu, de Fronsac et d’Aiguillon, Bertin, Maupeou et Terray. Madame Du Barry étant leur appui auprès du roi faible et pusillanime, ils devaient la défendre, prévenir un affront et les vengeances qu’avait méditées en pareil cas la duchesse de Châteauroux, en 1745.

Le parti opposé, celui des Choiseul, qui se montrait partout, brûlait, au contraire, d’accélérer une cérémonie religieuse qui devait faire rentrer dans le néant une favorite qui avait expulsé de la cour leur chef, le duc de Choiseul. Il était plaisant de voir le parti de celui-ci, qui fut en France le fléau de la religion, l’appeler à son secours, pendant la maladie du roi, pour se venger de madame Du Barry, tandis qu’on voyait le parti contraire, celui de l’archevêque et des dévots, se réunir pour empêcher la communion de Louis XV. Ils agitaient et trafiquaient de sang-froid, en ce moment, de la conscience et des remords du roi, me dit le cardinal de Luynes.

Il s’engagea donc une espèce de rixe à la cour. On mit en question : Si le roi devait ou ne devait pas être sur-le-champ administré. Faut-il, disait le maréchal de Richelieu, faut-il laisser renvoyer madame Du Barry avec ignominie, et pouvons-nous oublier ses services et nous exposer aux vengeances de son retour ? Ou bien devons-nous attendre l’état désespéré du malade pour effectuer un simple départ et procéder, sans bruit et sans éclat, à une simple administration de sacremens ? Telle était l’émotion et tel était l’état des esprits de la cour, lorsque, le 1er mai, l’archevêque de Paris se présenta pour la première fois au roi malade, à onze heures et demie du

  1. Il est fort douteux que le sévère Christophe de Beaumont ait tenu de pareils discours, quant à nous, nous n’en croyons rien.
    (Note des édit.)