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Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/392

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vitation à cet ancien garde-des-sceaux, dans laquelle il peint le caractère timide et embarrassé de son esprit. Il dit qu’il partage avec toute la France sa juste douleur de la mort de Louis XV, tandis que toute la France en avait appris la nouvelle avec délices. Il reconnaît qu’il a de grands devoirs à remplir, qu’il manque des connaissances nécessaires au gouvernement, et il invoque la probité et l’habileté de M. de Machault.

L’abbé de Radonvilliers, rôdant autour du jeune roi dans ces circonstances, pour placer un mot à propos suivant ses vues, effrayé du retour de l’inflexible et sévère Machault, l’ennemi du sacerdoce, fit observer à madame Adélaïde que les mœurs de cet ancien ministre étaient très-sévères et très-jansénistes, et qu’il serait très-déplacé à la cour dont le caractère avait beaucoup changé dans les dernières années de Louis XV. Il ajouta qu’il fallait s’attendre à des coups violens et terribles s’il était rappelé, parce qu’il s’était rouillé dans son exil, tandis que M. de Maurepas avait conservé dans le sien la facilité, les grâces et l’esprit des Français. Il fit encore observer que la lettre invitatoire du roi qui appelait M. de Machault, pouvait convenir également à M. de Maurepas, et proposa de demander au roi d’en changer seulement l’enveloppe.

L’ex-jésuite Radonvilliers avait un but secret qu’il ne manifestait pas. Les jésuites et les sulpiciens ne pouvaient souffrir M. de Machault depuis que, par l’édit de 1748, il avait proscrit toute donation de biens-fonds au clergé en France. Maurepas était au contraire l’ami de M. d’Aiguillon, dévoué aux jésuites et détesté des parlemens. Le jeune roi, cédant à ces observations, permit que la même lettre signée en faveur de M. de Machault fût adressée à M. de Maurepas. Radonvilliers et d’Aiguillon, sans le savoir, préparaient la ruine de l’État. M. de Maurepas était bien au-dessous de sa place dans les affaires relatives à la conservation d’un grand empire. M. de Machault était au contraire un homme ré-