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sans distinction de titres ni de rang ; et ce fut l’évêque de Noyon qui présenta à Sa Majesté le mémoire concernant le menuet.

Cette requête fut à peine connue, qu’il en courut dans le public la parodie suivante :


Sire, les grands de vos États
Verront avec beaucoup de peine
Une princesse de Lorraine
Sur eux, au bal, prendre le pas.
Si Votre Majesté projette
De les flétrir d’un tel affront,
Ils quitteront la cadenette,
Et laisseront les violons.
Avisez-y ; la ligue est faite.
Signé, l’évêque de Noyon,
La Vaupallière, Beaufremont,
Clermont, Laval et de Villette.


On disait, en effet, tout haut, que si la réponse du roi à ce mémoire n’était pas favorable, toutes les femmes de qualité se trouveraient subitement indisposées, et qu’aucune ne danserait au bal paré. Au reste, cette requête versifiée ne manque pas de sel. Indépendamment du ridicule de voir un prélat présider aux délibérations, et présider aux démarches et aux efforts de la noblesse française au sujet d’un menuet, on y a enchâssé le nom de quelques anciennes illustres maisons, entre deux grands de la monarchie de très-fraîche date. On prendrait cela pour une mauvaise plaisanterie, mais le fait est certain ; et l’on assure que le marquis de Villette, fils d’un trésorier de l’extraordinaire des guerres, qui ne s’est illustré, jusqu’à présent, que par quelques petits écrits et d’assez grands écarts de jeunesse, a eu la permission de signer une requête au bas de laquelle on lit les noms de Beaufremont, de Clermont, de Montmorency. Il n’est pas douteux que ses descendans ne lui sachent gré de cette signature ; ils diront : « Un de nos ancê-