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Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/403

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Le roi étant arrivé vers les sept heures à l’église, et tout le monde ayant pris place, la Sainte-Ampoule ne tarda pas à arriver à la principale porte. Elle avait été apportée de l’abbaye de Saint-Remy par le grand-prieur, en chape d’étoffe d’or, et monté sur un cheval blanc de l’écurie du roi, couvert d’une housse d’étoffe d’argent, richement brodée, et conduit par les rênes tenues par deux maîtres palefreniers de la grande écurie. Le grand-prieur était sous un dais de pareille étoffe, porté par quatre barons, dits chevaliers de la Sainte-Ampoule, vêtus de satin blanc, d’un manteau de soie noire et d’une écharpe de velours blanc, garnie de franges d’argent dont Sa Majesté les avait honorés et gratifiés ; ils portaient la croix de chevalier passée au col et attachée à un ruban noir. Aux quatre coins du dais, on voyait à cheval les seigneurs nommés par le roi pour otages de la Sainte-Ampoule, et qui étaient précédés chacun de leur écuyer portant un guidon chargé, d’un côté des armes de France et de Navarre, et de l’autre de celles de leurs maisons. Les otages avaient prêté serment sur le livre des Évangiles, et juré entre les mains du prieur, en présence des officiers du bailliage de l’abbaye, qu’il ne serait fait aucun tort à la Sainte-Ampoule, pour la conservation de laquelle ils s’engagèrent à exposer leur vie ; et en même temps ils s’étaient constitués pleiges, cautions solidaires, et avaient déclaré qu’ils demeureraient en otage jusqu’au retour de la Sainte-Ampoule. Par une suite de ce qui se pratique en pareilles circonstances, ils requirent néanmoins qu’il leur fût permis de l’accompagner, et pour grande sûreté et conservation d’icelle, sous le même cautionnement ; ce qu’on leur avait accordé. — Toutes ces formalités sont si superflues qu’elles devenaient ridicules. La Sainte-Ampoule, qui joue un si grand rôle dans le sacre de nos rois, est une espèce de petite bouteille remplie, dit-on, d’un baume miraculeux, ne diminuant jamais, qui servit à oindre Clovis. On prétend qu’elle fut envoyée du ciel et apportée par une colombe à saint Remy, mort vers l’an 535 :