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Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/44

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force d’ame qui brave la douleur, elle joignit cette puissance de volonté qui la maîtrise. Pas un cri, pas un geste ne lui échappèrent. Tant de courage étonnait de vieux guerriers habitués au spectacle des champs de bataille, et surprenait les gens de l’art eux-mêmes[1]. Un instant avant d’être opérée, madame Campan causait avec eux d’un esprit libre et calme. Les douleurs, après l’opération, ne semblaient pas avoir altéré sa sérénité. Messieurs, disait-elle en plaisantant à ses médecins, j’aime bien mieux vous entendre parler que vous voir agir.

L’opération avait été faite, avec une rare promptitude et le plus heureux succès, par M. Voisin, très-habile chirurgien de Versailles. Aucun symptôme fâcheux ne s’était déclaré : la plaie s’était cicatrisée. On croyait madame Campan rendue à ses amis : mais le mal qui était dans le sang prit un autre cours ; la poitrine s’embarrassa. Dès ce moment, dit M. Maignes, qui suivait son état avec toute la sollicitude de l’amitié, mais avec la triste prévoyance de son art ; dès ce moment, il me fut impossible de voir madame Campan vivante : elle sentait elle-même qu’elle n’était déjà plus.

En songeant à sa famille, à ses amis de Mantes, à tous ceux qui lui portaient une vive affection, son cœur s’amollissait, et dans ces instans d’une faiblesse touchante : N’est-ce pas, docteur, disait-elle, que je ne mourrai pas ?

Bientôt reprenant son courage, elle donnait aux autres une espérance qu’elle n’avait plus. Elle voyait sans

  1. M. le colonel Hemès, l’un des meilleurs officiers de l’ancienne armée, aidait les gens de l’art pendant l’opération.