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Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/7

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Jeanne-Louise-Henriette Genet était née à Paris, le 6 octobre 1752. M. Genet, son père, devait à son mérite, autant qu’à la protection de M. le duc de Choiseul, l’emploi de premier commis au ministère des affaires étrangères. Les lettres qu’il avait cultivées avec succès dans sa jeunesse, occupaient encore ses loisirs[1]. Entouré de nombreux enfans, il cherchait un délassement à ses travaux, dans les soins qu’exigeait leur éducation : rien ne fut négligé de ce qui pouvait la rendre brillante. Dans l’étude de la musique ou des langues étrangères, les progrès de la jeune Henriette Genet surprenaient les meilleurs maîtres ; le célèbre Albanèze lui avait donné des leçons de chant, et Goldoni lui montra l’italien. Bientôt le Tasse, Milton, Dante, Shakespeare même lui étaient devenus familiers. On l’exerçait surtout à l’art difficile de bien lire. En parcourant tour à tour de la prose ou des vers, une ode, une épître, une comédie, un sermon, il fallait qu’elle changeât sur-le-champ, de ton, d’inflexions et de débit. Rochon de Chabannes, Duclos, Barthe, Marmontel, Thomas, se plaisaient à lui faire réciter les plus belles scènes de Racine. À quatorze ans sa mémoire et son esprit les charmaient. Ils le disaient dans le monde, et peut-être un peu trop ; une jeune personne paie toujours assez cher la célébrité qu’elle obtient : belle, toutes les femmes deviennent ses rivales ; a-t-elle de l’esprit, des talens ? Beaucoup d’hommes ont encore la faiblesse d’en être jaloux.

On parla de mademoiselle Genet à la cour. Des femmes

  1. On trouvera dans les Souvenirs de madame Campan des détails intéressans, écrits par elle sur l’éducation, les ouvrages, les aventures et le mariage de son père.