Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/70

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de l’avancement des neveux de cette dame ; ceux de la mère Mac-Carthy qui les avait lâchement gâtées, portèrent long-temps le mousqueton de garde-du-roi à la porte de Mesdames, sans qu’elles songeassent à leur fortune.

Quand Mesdames, encore fort jeunes, furent revenues à la cour, elles jouirent de l’amitié de monseigneur le dauphin, et profitèrent de ses conseils. Elles se livrèrent avec ardeur à l’étude, et y consacrèrent presque tout leur temps ; elles parvinrent à écrire correctement le français et à savoir très-bien l’histoire. Madame Adélaïde, surtout, eut un désir immodéré d’apprendre ; elle apprit à jouer de tous les instrumens de musique, depuis le cor (me croira-t-on ?) jusqu’à la guimbarde. L’italien, l’anglais, les hautes mathématiques, le tour, l’horlogerie, occupèrent successivement les loisirs de ces princesses. Madame Adélaïde avait eu un moment une figure charmante ; mais jamais beauté n’a si promptement disparu que la sienne. Madame Victoire était belle et très-gracieuse ; son accueil, son regard, son sourire étaient parfaitement d’accord avec la bonté de son ame. Madame Sophie était d’une rare laideur ;

    toutes entonnèrent le Veni creator. Arrivées au lieu du supplice, elles n’interrompirent point leurs chants : une tête tombait, et cessait de mêler sa voix à ce chœur céleste ; mais les chants continuaient. L’abbesse périt la dernière, et sa voix restée seule, toujours plus sonore, fit toujours entendre le pieux verset. Elle cessa tout-à-coup ; c’était le silence de la mort.

    (Note de madame Campan.)