Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/71

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je n’ai jamais vu personne avoir l’air si effarouché ; elle marchait d’une vitesse extrême, et pour reconnaître, sans les regarder, les gens qui se rangeaient sur son passage, elle avait pris l’habitude de voir de côté, à la manière des lièvres. Cette princesse était d’une si grande timidité, qu’il était possible de la voir tous les jours, pendant des années, sans l’entendre prononcer un seul mot. On assurait cependant qu’elle montrait de l’esprit et même de l’amabilité dans la société de quelques dames préférées ; elle s’instruisait beaucoup, mais elle lisait seule ; la présence d’une lectrice l’eût infiniment gênée. Il y avait pourtant des occasions où cette princesse, si sauvage, devenait tout-à-coup affable, gracieuse et montrait la bonté la plus communicative ; c’était lorsqu’il faisait de l’orage : elle en avait peur, et tel était son effroi, qu’alors elle s’approchait des personnes les moins considérables ; elle leur faisait mille questions obligeantes ; voyait-elle un éclair, elle leur serrait la main ; pour un coup de tonnerre elle les eût embrassées ; mais le beau temps revenu, la princesse reprenait sa roideur, son silence, son air farouche, passait devant tout le monde sans faire attention à personne, jusqu’à ce qu’un nouvel orage vînt lui ramener sa peur et son affabilité.

Mesdames avaient trouvé dans un frère chéri, dont les hautes vertus sont connues de tous les Français, un guide pour tout ce qu’exigeait une éducation trop négligée dans leur enfance. Elles eurent dans leur auguste mère, Marie Leckzinska, le plus