Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/79

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

avait été décidé, qu’en un semblable doute, après avoir fait cuire l’oiseau, il fallait le piquer sur un plat d’argent très-froid ; que si le jus de l’animal se figeait dans l’espace d’un quart d’heure, l’animal était réputé gras ; que si le jus restait en huile, on pouvait le manger en tout temps sans inquiétude. Madame Victoire fit aussitôt faire l’épreuve, le jus ne figea point ; ce fut une joie pour la princesse qui aimait beaucoup cette espèce de gibier. Le maigre qui occupait tant madame Victoire l’incommodait, aussi attendait-elle avec impatience le coup de minuit du samedi-saint ; on lui servait aussitôt une bonne volaille au riz, et plusieurs autres mets succulens. Elle avouait avec une si aimable franchise son goût pour la bonne chère et pour les commodités de la vie, qu’il aurait fallu être aussi sévère en principes, qu’insensible aux excellentes qualités de cette princesse, pour lui en faire un crime.

Madame Adélaïde avait plus d’esprit que madame Victoire ; mais elle manquait absolument de cette bonté qui, seule, fait aimer les grands : des manières brusques, une voix dure, une prononciation brève, la rendaient plus qu’imposante. Elle portait très-loin l’idée des prérogatives du rang. Un de ses chapelains eut le malheur de dire Dominus vobiscum d’un air trop aisé : la princesse l’apostropha rudement après la messe pour lui dire de se souvenir qu’il n’était pas évêque, et de ne plus s’aviser d’officier en prélat.