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Mesdames vivaient entièrement séparées du roi. Depuis la mort de madame de Pompadour, le roi vivait seul. Les ennemis du duc de Choiseul ne savaient donc dans quel salon, ni par quelle voie ils pourraient préparer et amener la chute de l’homme qui les importunait. Le roi n’avait de relations qu’avec des femmes d’une classe si vile, qu’on ne pouvait s’en servir pour une intrigue de longue suite ; d’ailleurs, le Parc-aux-Cerfs était un sérail dont les beautés se renouvelaient souvent[1] : on voulut donner au roi une maîtresse qui pût avoir un cercle, et dans le salon de qui on pût triompher, par la puissance des insinuations journalières, de l’ancien attachement du roi pour le duc de Choiseul. Il est vrai qu’on choisit madame Du Barry dans une classe bien vile. Son origine, son éducation, ses habitudes, tout portait en elle un caractère vulgaire et honteux ; mais on la fit épouser à un homme qui datait de quatorze cent, et on crut sauver le scandale. Ce fut le vainqueur de Mahon qui conduisit une aussi sale intrigue[2]. Cette maîtresse avait été très-habilement choisie pour égayer les dernières années d’un homme importuné des grandeurs,

  1. On trouvera, dans le volume qui contient les anecdotes et souvenirs, des détails sur le Parc-aux-Cerfs.
    (Note de l’édit.)
  2. Il semblait qu’on eût à cette époque perdu presque tout sentiment de dignité. « Peu de seigneurs de la cour de France, dit un écrivain du temps, se préservèrent de la corruption générale : M. le maréchal de Brissac était un de ces derniers. On le plaisantait sur la rigidité de ses principes d’honneur et de probité ; on