Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/97

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prunter sur ses bénéfices la somme de 600,000 liv., s’endetta de plus d’un million, et crut éblouir la ville et la cour de Vienne par le luxe le plus indécent et en même temps le plus mal entendu. Il s’était attaché huit ou dix gentilshommes portant d’assez beaux noms, douze pages également bien nés, une foule d’officiers et de valets, une musique de chambre, etc. Mais ce vain éclat ne fut pas de durée ; l’embarras et la détresse ne tardèrent pas à se faire remarquer ; ses gens n’étant plus payés, abusèrent pour faire de l’argent du privilége des franchises, et firent la contrebande[1] avec tant d’impudeur que Marie-Thérèse, pour la faire cesser et ménager la cour de France, fut obligée de supprimer les franchises de tous les corps diplomatiques, ce qui rendit la personne et la conduite du prince Louis odieuse dans toutes les cours étrangères. Il obtenait rarement des audiences particulières de l’impératrice qui ne l’estimait pas, et s’exprimait sans ménagement sur sa conduite comme évêque et comme ambassadeur[2]. Il crut

  1. J’ai souvent entendu raconter à la reine qu’il s’était vendu en un an, dans le secrétariat du prince de Rohan, à Vienne, plus de bas de soie qu’à Lyon et à Paris.
    (Note de madame Campan.)
  2. Ce prélat, vain, léger, dissipateur, avait près de lui, pour conseil et pour secrétaire d’ambassade, un homme capable, adroit, rusé, instruit, laborieux : c’était un jésuite. L’abbé Georgel jouissait de toute la confiance du prince de Rohan, et la méritait par son dévouement et son habileté. Une circonstance singulière,