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Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/105

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teuil, pendant le temps de son dîner. Je ne pus faire entendre mes raisons à M. de la Villeurnoy : la reine était déjà à la messe, environnée de toute la cour, et je n’avais pas même la facilité de la faire prévenir.

Lorsque le dîner fut fini, j’entendis frapper à la porte de mon appartement qui ouvrait dans le corridor près de celui de la reine : c’était elle-même. Elle me demanda si je n’avais personne chez moi ; j’étais seule : elle se jeta sur un fauteuil, et me dit qu’elle venait pleurer tout à son aise, avec moi, sur l’ineptie des exagérés du parti du roi. « Il faut périr, disait-elle, quand on est attaqué par des gens qui réunissent tous les talens à tous les crimes, et défendu par des gens fort estimables, mais qui n’ont aucune idée juste de notre position. Ils m’ont compromise vis-à-vis des deux partis, en me présentant la veuve et le fils de Favras. Libre dans mes actions, je devais prendre l’enfant d’un homme qui vient de se sacrifier pour nous, et le placer à table entre le roi et moi ; mais, environnée des bourreaux qui viennent de faire périr son père, je n’ai pas même osé jeter les yeux sur lui. Les royalistes me blâmeront de n’avoir pas paru occupée de ce pauvre enfant ; les révolutionnaires seront courroucés en songeant qu’on a cru me plaire en me le présentant. » Cependant la reine ajouta qu’elle connaissait la position de madame de Favras ; qu’elle la savait dans le besoin, et m’ordonna de lui envoyer