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venait chez la reine fut sans cesse impunément insulté.

Les motions les plus menaçantes se proclamaient jusque dans les Tuileries ; elles appelaient à la destruction du trône et au meurtre du prince. Les insultes avaient pris le caractère de celles de la plus vile populace. Un jour la reine, entendant rire aux éclats sous ses fenêtres, me dit de regarder ce que ce pouvait être. Je vis un homme presque déshabillé et tournant le dos à son appartement ; je fis un mouvement d’étonnement et d’indignation. La reine se leva pour s’approcher ; je la retins en lui disant que c’était la plus grossière des insultes faite par un homme du peuple.

À cette époque, le roi tomba dans un découragement qui allait jusqu’à l’abattement physique. Il fut dix jours de suite sans articuler un mot, même au sein de sa famille, si ce n’est qu’à une partie de trictrac qu’il faisait avec madame Élisabeth après

    l’audience, il promena sur les juges, les jurés et le public, des regards où se peignaient l’ironie et l’indignation. Il fut conduit au supplice avec le respectable Duport du Tertre, l’un des derniers ministres de Louis XVI. Monté sur l’échafaud, Barnave frappa du pied, leva les yeux au ciel et s’écria : « Voilà donc le prix de tout ce que j’ai fait pour la liberté ! » Il périt le 29 octobre 1793, âgé de trente-deux ans ; son buste est maintenant dans le Musée de Grenoble. Le gouvernement consulaire avait fait placer sa statue auprès de celle de Vergniaud, dans le grand escalier du palais du sénat. »

    (Note de l’édit.)