Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/211

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son dîner, il était obligé de prononcer les mots indispensables à ce jeu. La reine le tira de cette position si funeste dans un état de crise où chaque minute amenait la nécessité d’agir, en se jetant à ses pieds, en employant tantôt des images faites pour l’effrayer, tantôt les expressions de sa tendresse pour lui. Elle réclamait aussi celle qu’il devait à sa famille, et alla jusqu’à lui dire que, s’il fallait périr, ce devait être avec honneur et sans attendre qu’on vînt les étouffer l’un et l’autre sur le parquet de leur appartement.

Vers le 15 juin, le roi refusa sa sanction aux deux décrets qui ordonnaient la déportation des prêtres et la formation d’un camp de vingt mille hommes sous les murs de Paris. Il avait voulu les sanctionner, et disait que l’insurrection générale attendait la première occasion d’éclater[1] : la reine insista sur le

  1. Cette assertion contrarie le témoignage presque unanime des historiens. Quand on réfléchit sur le caractère pieux de Louis XVI, sur son respect pour la religion, sur la déférence qu’il montra toujours envers ses ministres, on hésite à croire que madame Campan ait été bien instruite sur ce fait. Sans parler de Dumouriez qui dit précisément le contraire, Bertrand de Molleville entre à ce sujet dans quelques détails qui ne peuvent laisser aucun doute.

    « L’Assemblée, dont le crédit se soutenait toujours, dit-il, par des actes de violence, avait rendu un décret contre les prêtres non constitutionnels, pour les obliger à prêter un nouveau serment ou à sortir du royaume. Les évêques, qui étaient alors à Paris, se réunirent pour rédiger un mémoire contre ce décret,