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Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/99

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me chargea de découvrir, par ce moyen, sur quelle cause particulière Luckner établissait sa haine contre elle. Questionné sur ce point, il répondit que le maréchal de Ségur l’avait assuré qu’il l’avait proposé pour le commandement d’un camp d’observation, mais que la reine avait fait une barre sur son nom, et que cette parre, disait-il avec sa prononciation allemande, lui était restée sur le cœur. La reine m’ordonna de raconter moi-même cette réponse au roi, et lui dit : « Voyez, Monsieur, si je n’ai pas eu raison de vous dire que vos ministres, pour se laisser toute liberté dans la distribution des grâces, avaient eux-mêmes persuadé aux Français que je me mêlais de tout : on ne donnait pas en province un débit de sel ou de tabac, que le peuple ne crût que c’était à un de mes protégés. — Cela est très-vrai, reprit le roi ; mais j’ai bien de la peine à croire que le maréchal de Ségur ait dit une pareille chose à Luckner ; il savait trop bien que vous ne vous étiez jamais mêlée du travail des grâces. Ce Luckner est un mauvais sujet, et Ségur un brave et galant homme qui n’aura pas fait un tel mensonge ; cependant vous avez raison, et pour quelques protégés que vous avez fait pourvoir, on a trop injustement répandu que vous donniez tous les emplois civils et militaires. »

Toute la noblesse qui n’était pas sortie de Paris, se faisait un devoir de se présenter assidûment chez le roi, et l’affluence était considérable au palais des Tuileries. Les marques d’attachement se manifes-