Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 3.djvu/140

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Breteuil était bien cassé quand il est rentré en France ; cependant les vieux ont la mémoire fraîche pour les vieilles anecdotes, et il a su infiniment de choses secrètes. Madame de Narbonne, dame d’honneur de madame Adélaïde, qui a eu beaucoup d’influence pendant les premières années du règne de Louis XVI, vous eût été très-utile. Dernièrement je dînais chez un très-grand seigneur qui a infiniment d’esprit ; on parla de votre livre, on le loua ; mais on en releva plusieurs erreurs relatives au ministère du duc de Choiseul. Vous vous trompez quand vous mettez en doute que M. de Machault fut au moment d’être nommé à la place de M. de Maurepas. La lettre du roi était écrite, était donnée au page, il avait le pied dans l’étrier, lorsque mon beau-père, par ordre de Louis XVI, descendit le grand escalier de Choisy pour rappeler le page. La reine, qui avait déjà étudié le caractère du roi, dit alors à mon beau-père que, s’il n’eût pas été si empressé à faire la commission du roi, M. de Machault était nommé ; que jamais le roi n’eût eu le courage d’écrire une lettre contraire à son premier vœu. J’ai été touchée jusqu’aux larmes de la manière dont vous replacez le caractère de la reine dans un jour plus favorable ; cependant ne la taxez jamais de prodigalité, c’est une prévention populaire ; elle avait le défaut contraire. Elle n’a de sa vie puisé dans le Trésor la moindre somme d’argent ; la duchesse, sa favorite, avait à peine de quoi se soutenir à la cour ; son état exigeant une dépense