Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 3.djvu/141

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qui excédait de beaucoup ce que lui procuraient les charges de son mari et les siennes. La reine fit construire quelques fabriques de jardin anglais à Trianon, tout Paris en jeta les hauts cris pendant que M. de Saint-James dépensait à Neuilly cent cinquante mille livres pour un rocher. La reine permettait si peu de faire des dépenses pour son habitation favorite, qu’elle quitta ce château, en 1789, en y laissant encore les antiques meubles de Louis XV : ce fut après l’avoir sollicitée six ans de suite, pour qu’elle ne se servît plus d’un vieux lit de péquin peint, qui avait appartenu à la comtesse Du Barry, que j’obtins de la reine d’en commander un autre. Jamais personne ne fut plus calomnié ; tous les coups que l’on voulait diriger contre le trône se sont long-temps adressés à elle seule. J’ai une foule d’anecdotes propres à la faire mieux connaître ; mais elles ne conviennent qu’à mes Mémoires. Je ne les ferai point imprimer de mon vivant ; mon fils les aura après moi : je ne sors point, dans mes souvenirs, des détails que j’ai pu et que j’ai dû connaître. La présomption perd tous les faiseurs de Mémoires ; s’ils ont connu ce qui se passait dans la chambre, ils veulent écrire ce qui se délibérait dans le conseil, et tout cela est fort séparé. M. Thierry de Villedavray ignorait ce que savaient les ministres, et souvent ils auraient été charmés de découvrir ce qu’il savait. Pour l’histoire, comme pour la poésie, il faut en revenir à ce qu’a dit Boileau sur le vrai.