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voyages de mon père avait été de s’éloigner du plaisir et du danger de voir trop souvent mademoiselle Cardon, ma mère, à laquelle son père lui avait déclaré qu’il ne lui permettrait jamais de s’unir à cause de son peu de fortune.

Mon père avait vingt ans lorsqu’il quitta la France : sa majorité l’atteignit à Londres, son amour s’accrut avec l’idée que les lois lui permettaient d’assurer son bonheur. Il quitta subitement l’Angleterre, et prit, en arrivant à Paris, le costume d’un abbé avant de se présenter chez ses parens. Il s’assura de la constance de celle qu’il aimait, et, s’appuyant de la tendresse de sa mère, de la protection de quelques vieux amis, il obtint pour son mariage un consentement qui lui sauva le malheur de recourir à une sommation respectueuse. Pendant les courses qu’il fit en costume d’abbé pour servir, sans être reconnu, le projet qui l’avait ramené à Paris, un fiacre, dans lequel il était enfermé, cassa à la porte même de mon grand-père, qui, rentrant à cet instant chez lui, considéra l’abbé que l’on retirait de cette voiture brisée, et apprit à sa femme qu’il venait de rencontrer un jeune ecclésiastique ressemblant si parfaitement à son fils, que, s’il n’eût pas reçu de lui la veille même une lettre de Londres, il croirait que son sot amour l’avait ramené en France. M. Genet n’apprenait rien à sa femme. Déjà, chez une de ses amies, elle avait serré dans ses bras, grondé et pressé sur son cœur maternel ce faux abbé, ce