Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 3.djvu/157

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

fils justement chéri, dont l’amour pour une fille vertueuse, bien née et peu fortunée, était la première et l’unique faute. L’aveu du retour en France, du déguisement, du projet constant de n’avoir point d’autre femme que mademoiselle Cardon, le consentement enlevé dans un moment de sensibilité paternelle, toutes ces scènes de famille durèrent une quinzaine de jours. Mon père corrigeait en même temps les épreuves d’un livre intitulé Essais sur l’Angleterre. Cet ouvrage fit honneur à sa jeunesse, eut du succès à la cour, et, peu de temps après son mariage, il fut appelé à Versailles par le maréchal de Belle-Isle, et nommé secrétaire interprète des départemens des affaires étrangères, de la guerre et de la marine. Attaché à trois départemens, il obtint aisément de travailler chez lui : il lui fut accordé un ou deux commis, et, à son retour d’une mission à Londres en 1762, M. le duc de Choiseul créa en entier, pour mon père, le bureau des interprètes, lui donna un très-beau local à l’hôtel des affaires étrangères, avec un traitement équivalant à celui des premiers commis des affaires étrangères, mais assigné sur les trois départemens.

Marié en 1751, le sort de mon père ne fut terminé d’une manière à le préserver du malheur d’anéantir son patrimoine, que onze ans après son installation à Versailles, et pendant ce nombre d’années, avec de faibles appointemens et peu de secours de la part d’un père qu’il n’osait pas infor-