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Je ne recevais aucun député. Un ancien ami de ma famille avait été élu membre de l’Assemblée ; le jour de son élection j’avais cessé de le voir.

Mon frère, M. Genet, chargé d’affaires de France en Russie, embrassa le parti constitutionnel. Il était, depuis cinq ans, à cinq cents lieues de moi ; mais on me rendit responsable de ses opinions ; on m’en imputa de semblables ; les journaux royalistes me dénoncèrent comme démocrate. La reine reçut nombre d’avertissemens sur le danger qu’il y avait à se fier à moi. Le roi le sut, il daigna venir me trouver dans mon appartement ; il me dit : « Vous vous affligez d’être calomniée, ne le suis-je pas moi-même ? On vous dit constitutionnelle, on me l’a dit, je ne l’ai pas démenti ; vous nous en serez plus utile : si je vous rendais hautement la justice que vous méritez, les gens qui vous accusent vous justifieraient avec bruit. Vous deviendriez un objet d’inquiétude pour l’Assemblée ; la reine serait peut-être contrainte à vous éloigner d’elle. »

Ces paroles sont celles du roi ; je les ai conservées dans ma mémoire avec un saint respect.

Dans les premiers jours de juillet 1792, le roi me confia un énorme porte-feuille : ce porte-feuille était si lourd, que Sa Majesté le porta elle-même jusque chez moi. Le roi me dit de le déposer où je voudrais ; mais de me souvenir qu’il pouvait en avoir besoin d’un moment à l’autre.

La reine me dit que si l’Assemblée était assez