Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 3.djvu/17

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son intérieur ; il s’intimide, la parole lui manque : il se remet cependant, et débute, comme de raison, par le mot Sire. Mais il s’intimide de nouveau, et, ne trouvant plus dans sa mémoire la moindre des choses qu’il avait à dire, il répète encore deux ou trois fois le même mot, puis termine en disant : « Sire, voilà Soulaigre. » Soulaigre, mécontent de Bazire, et se flattant de se mieux acquitter de son discours, prend la parole ; Sire est répété de même plusieurs fois ; son trouble égale celui de son camarade, et il finit par dire : « Sire, voilà Bazire. » Le roi sourit et leur répondit : « Messieurs, je connais le motif qui vous amène en députation près de moi, j’y ferai raison, et je suis très-satisfait de la manière dont vous avez rempli votre mission de députés[1]. »


  1. Cette plaisanterie n’est point amère et dure comme la plupart des railleries de Louis XV : elle ne laisse que l’idée d’un badinage aimable. Jamais Louis XIV ne se permit un mot offensant pour personne, et ses reparties qui, presque toujours, sont d’un grand sens, décèlent très-souvent un tact délicat et fin. En général, l’esprit, qu’il fût vif et caustique, ou seulement agréable et gai, n’a pas manqué aux petits-fils de Henri IV. Les Mémoires de madame du Hausset contiennent une assez piquante remarque de Duclos à ce sujet.

    « M. Duclos était chez le docteur Quesnay, et pérorait avec sa chaleur ordinaire. Je l’entendis qui disait à deux ou trois personnes : « On est injuste envers les grands, les ministres et les princes ; rien de plus ordinaire que de parler mal de leur esprit. J’ai bien surpris, il y a quelques jours, un des MM. de la brigade des infaillibles, en lui disant qu’il y avait plus d’esprit