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LETTRE IX.

De la même à la même.

Écouen, ce 22 avril 1808.

Me voici donc enfin dans ce beau château ! J’ai déjà tout parcouru, tout vu, si l’on peut voir à travers un nuage de pleurs. Mais, avant de te parler de ma cruelle prison, il faut que je soulage mon cœur sur la manière dont la duchesse de ...... nous a reçues. Elle a été aimable pour maman, détestable pour moi. Malgré la magnificence de son hôtel, le nombre de serviteurs dont les premières pièces de l’appartement étaient remplies, elle s’est précipitée dans les bras de ma mère, l’a embrassée tendrement, s’est récriée sur le malheur que mon père a eu d’être blessé, lui que son mari (disait-elle) considérait comme un des meilleurs généraux de son armée. Ma mère ne répondait que par ses larmes ; la duchesse l’a conduite sur un canapé, l’a fait asseoir près d’elle, l’a invitée à dîner pour dimanche prochain, en demandant si je serais encore à Paris à cette époque. Alors ma mère a fait connaître les ordres de mon père, et la duchesse, au lieu d’engager ma mère à me faire rester plus long-temps à Paris, s’est