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ment trop tard. Je l’avais pourtant répété, le goût consiste non-seulement dans le choix des objets, mais dans l’art de savoir les placer.

Vous rougissez actuellement, j’en suis sûr, d’avoir fait une toilette de bal pour sortir d’un modeste presbytère ; l’envie de plaire, qui vous a fait commettre cette faute, est encore plus blâmable que la faute elle-même. Prenez-y garde, ma chère Élisa, le désir de plaire n’est pas encore la coquetterie, mais il y mène trop souvent ; la coquetterie n’est point encore l’inconduite, mais elle peut y entraîner. La pudeur seule retient les femmes dans une route aussi glissante. Cette pudeur, mon Élisa, ne disparaît point avec la timidité du premier âge quand elle a notre sainte religion pour base ; elle se développe avec les grâces, et vient encore, à l’âge mûr, ajouter à leur modeste éclat. En vain des femmes corrompues chercheraient-elles à imiter ce sentiment de modestie qui embellit jusqu’aux moindres actions d’une femme vertueuse ; l’art même de l’actrice la trahit et fait distinguer l’apparence de la réalité. Dans ce jour, dont je veux graver le souvenir au fond de votre cœur, ma chère Élisa, si cette sainte pudeur vous eût guidée, vous n’auriez pas oublié en un instant toutes les lois de la bienséance ; vous n’auriez pas quitté votre mère ; vous n’auriez pas affecté de jouer et de rire, lorsqu’une femme intéressante par ses talens, respectable par ses mœurs et le rang de son mari, fixait l’attention d’une partie de la société.