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la cour avec cent mille écus. Je ne vous occupe de mes intérêts, Madame, continua-t-elle, que parce qu’ils deviendront les vôtres : mon testament est fait ; Élisa et son frère y sont portés l’un et l’autre pour une somme égale à celle que je dois laisser à chacune de mes nièces. Vous l’entendez, Mesdames, ajouta la maréchale ; je connais vos sentimens, et je sais que vous m’approuverez en me voyant assurer le sort d’une famille si dévouée à votre oncle. » Elle adressait ces dernières paroles à trois jeunes demoiselles qui étaient placées en face d’elle dans le salon. Toutes trois se levèrent pour venir lui dire les choses les plus sensibles et les plus nobles. Ma mère s’était inclinée vers la maréchale ; je m’étais précipitée de nouveau à ses genoux. Les jeunes dames me relevèrent, m’embrassèrent, et contractèrent dès ce moment l’engagement de m’appeler leur cousine.

J’aurais dû commencer ma lettre par des détails si importans pour ma destinée future : ton amitié me saura peut-être mauvais gré de ne l’avoir pas fait ; mais pardonne, ma chère Zoé. J’ai eu l’enfantillage de vouloir t’amener par degrés au moment de l’heureuse surprise que je viens d’éprouver. Puisse le ciel récompenser et bénir ma digne protectrice, en la laissant, pendant de longues années, jouir d’une fortune dont elle fait un si pieux usage ! Quelle louable et digne manière de reculer, pour ainsi dire, les bornes de la vie, que celle d’être bienfaisante, même après avoir cessé d’exister !