Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 3.djvu/315

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peut entrer. Les églises sont remplies ; l’affection et l’inquiétude du peuple est aussi grande qu’en 1744, dans le temps de la maladie du roi. Une preuve non équivoque de ces sentimens, c’est que, malgré l’usage des soupers, la veille des Rois, et de tirer des gâteaux en criant le roi boit, il n’y a pas eu un seul cabaret dans Paris où l’on ait entendu ces cris de joie ; c’est de M. le prévôt des marchands que je le sais. Il n’y en a même point eu dans les maisons particulières, et les rôtisseurs, qui vendent dans ce temps-ci un dindon à chaque bourgeois, ont été fort étonnés de voir la provision de l’année leur rester. Le greffier de la ville s’étant rendu ici pour marquer au roi la joie de la ville sur sa meilleure santé, M. le duc de Gesvres le mena chez le roi. Il venait d’y arriver le greffier en chef du parlement de Rouen, pour assurer Sa Majesté des alarmes, du respect et de l’attachement de cette compagnie. M. de Richelieu avait déjà annoncé deux ou trois fois le député de Rouen ; enfin M. de Gesvres en ayant parlé à Sa Majesté, à l’occasion de celui de la ville de Paris, le roi permit qu’ils entrassent tous deux. Ils furent admis dans le balustre ; le greffier de Rouen fit une assez longue arrangue : le roi ne l’interrompit point, mais s’étant mis à son séant quand il eut fini, il dit au député : « Je me porte fort bien ; dites à mon parlement qu’il songe à me donner des marques de son obéissance. » Immédiatement après, le député de la ville se présenta ; le roi lui répondit en présence du député de Rouen : « Dites à ma bonne ville de Paris que je suis fort content de son zèle et de son affection, et assurez-la de ma protection et de mon amitié. » On sait que dans cette circonstance, les parlemens étaient dans une sorte d’état de désobéissance. La conduite des états de Bretagne leur fait beaucoup d’honneur. Il y avait eu de grandes difficultés sur l’enregistrement du second vingtième ; et quoique l’on ait consenti que la province s’abonnât pour ses nouveaux droits, afin que la perception leur fût moins à charge, ils ont toujours refusé l’abonnement, parce qu’ils ne voulaient point payer ces droits. La nouvelle de la blessure du roi a fait un changement total