Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 3.djvu/321

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elle. — D’une femme supérieure et d’une excellente amie, lui dis-je. — C’est à son cœur que j’en veux, me dit-elle, et toutes ces petites filles qui n’ont point d’éducation, ne me l’enlèveront pas. Je ne serais pas aussi tranquille, si je voyais quelque jolie femme de la cour et de la ville tenter sa conquête. » Je demandai à Madame si la jeune personne savait que c’était le roi qui était le père. « Je ne le crois pas, dit-elle ; mais comme il a paru aimer celle-ci, on a craint qu’on ne se soit trop empressé de le lui apprendre. Sans cela on voulait insinuer à tout le monde, dit-elle en levant les épaules, que le père est un seigneur polonais, parent de la reine, et qui a un appartement au château. Cela a été imaginé, à cause du cordon bleu que le roi n’a pas souvent le temps de quitter parce qu’il faudrait changer d’habit, et donner pour raison du logement qu’il a au château si près du roi. » C’étaient deux petites chambres du côté de la chapelle, où le roi se rendait de son appartement, sans être vu de qui que ce soit, sinon d’une sentinelle qui avait ses ordres et qui ne savait pas qui passait par cet endroit. le roi allait quelquefois au Parc-aux-Cerfs ou recevait ces demoiselles dans l’appartement dont j’ai parlé.

» Madame me dit : « Tenez compagnie à l’accouchée pour empêcher qu’aucun étranger ne lui parle, pas même les gens de la maison. Vous direz toujours que c’est un seigneur polonais, fort riche, et qui se cache à cause de la reine qui est fort dévote. Vous trouverez dans la maison une nourrice à qui l’enfant sera remis, et tout le reste regarde Guimard. Vous irez à l’église comme témoin, et il faudra faire les choses comme le ferait un bon bourgeois. On croit que la demoiselle accouchera dans cinq ou six jours. Vous dînerez avec elle et vous ne la quitterez pas jusqu’au moment où elle sera en état de retourner au Parc-aux-Cerfs ; ce qui, je suppose, sera dans une quinzaine de jours, sans qu’elle coure aucun risque. » Je me rendis le soir même à l’avenue de Saint-Cloud, où je trouvai l’abbesse et Guimard, garçon du château, mais