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térieur était d’un goût exquis, analogue à l’oisiveté et aux plaisirs sensuels d’un grand monarque.

» Si le château de Versailles présente ce qu’exigent l’éclat et la majesté d’un roi de France, l’Hermitage offrait tous les détails de sa destination. Les meubles des chambres étaient de fine perse ; des paysages, de jeunes amans, des Tircis, des bergères, un vieil hermite et divers autres objets analogues, peints par les premiers peintres de Paris, en étaient les ornemens.

» Les jardins n’avaient pas le ton monotone et symétrique des parcs des maisons royales, dessinés par Le Nôtre. Une longue ligne droite, et le sentiment qu’elle inspire, ne plaît pas à des amans. Des allées tortueuses, des bosquets, sont favorables aux rêveries solitaires et à l’amour. On voyait dans les jardins de l’Hermitage un bosquet de roses, au milieu duquel s’élevait un Adonis de marbre blanc. On admirait les berceaux de myrtes et de jasmins, les pièces d’eau, les terrasses et les allées de verdure dessinées dans le dernier goût.

» C’est dans cette maison que madame de Pompadour s’était déjà perfectionnée dans l’art de la galanterie. Si le roi lui donnait des rendez-vous, elle prenait les devants, et Louis la surprenait déguisée, tantôt en petite laitière, tantôt en sœur grise, d’autres fois en abbesse ou en servante aux vaches, offrant au roi du lait tout chaud.

» Elle s’habillait un jour en jardinière ou en paysanne ; un autre jour en bergère : tant était devenu difficile l’art de distraire un roi dévoré de mélancolie. L’amusement d’un prince de ce caractère était devenu la partie la plus difficile de l’emploi de la favorite.

» Mademoiselle de ***, ayant succédé à madame de Pompadour dans ce délicieux séjour, fixa, pendant quelques mois, l’attention et le goût du monarque. Elle avait de la vivacité dans l’esprit et dans les manières ; elle montrait de la facilité à tout saisir et comprendre. Le roi lui rendait des visites très-fréquentes ; mais sa vie était très-retirée, et peu de dames de la cour avaient accès auprès d’elle.