Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 3.djvu/43

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J’ai beaucoup vu en société, dans ma jeunesse, madame de Marchais, femme du premier valet de chambre du roi : c’était une personne fort instruite, et qui avait eu les bonnes grâces de Louis XV, étant parente de madame de Pompadour. M. de Marchais, riche et fort considéré, avait servi, était chevalier de Saint-Louis, et réunissait à la charge de premier valet de chambre le gouvernement du Louvre. Madame de Marchais recevait chez elle

    Gourbillon, valet de chambre de Madame ; et nous fûmes étonnés quand, peu de temps après, le roi fit arrêter la voiture ; celles qui suivaient s’arrêtèrent aussi. Le roi appela un écuyer et lui dit : « Vous voyez bien cette petite hauteur ? Il y a des croix, et c’est certainement un cimetière ; allez-y, et voyez s’il y a quelque fosse nouvellement faite. » L’écuyer galopa et s’y rendit ; ensuite il vint dire au roi : « Il y en a trois tout fraîchement faites. » Madame, à ce qu’elle m’a dit, détourna la tête avec horreur à ce récit ; et la maréchale dit gaiement : « En vérité, c’est faire venir l’eau à la bouche. » Madame, le soir, en se déshabillant, nous en parla. « Quel singulier plaisir, dit-elle, que de s’occuper de choses dont on devrait éloigner l’idée, surtout quand on mène une vie aussi heureuse ! Mais le roi est comme cela ; il aime à parler de la mort, et il a dit, il y a quelques jours, à M. de Fontanieu, à qui il a pris à son lever un saignement de nez : Prenez-y garde ; à votre âge, c’est un avant-coureur d’apoplexie. Le pauvre homme est retourné chez lui tout effrayé et fort malade. »

    (Note de l’édit.)