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grade de porte-enseigne dans le régiment des gardes-suisses. Son nom, ses qualités distinguées lui méritèrent l’intérêt de quelques amis puissans qui, pour étayer l’ancienneté de son origine par une belle fortune, lui firent épouser la fille d’un très-riche financier nommé M. de La Garde. De ce mariage naquit une fille unique qui épousa le comte d’Esterhazy. Dans le nombre des terres qui appartenaient à mademoiselle de La Garde, était le château des Trous, situé à quatre lieues de Versailles ; le comte y recevait beaucoup de gens de la cour. Un jeune sous-lieutenant des gardes-du-corps, porté à ce grade par son nom et par la faveur dont jouissait sa famille, avait cette confiance qui accompagne les succès non mérités, et dont heureusement les années dégagent successivement la jeunesse. Il prononça un jour, sans connaissance de l’histoire des anciennes maisons suisses et sans ménagement pour le comte, sur la noblesse de ce pays, et se permit d’avancer qu’il n’y avait pas d’anciennes maisons en Suisse, « Pardonnez-moi, lui dit froidement le comte, il y en a de très-anciennes. — Pourriez-vous les citer, Monsieur ? reprit le jeune homme. — Oui, répondit M. d’Halville ; il y a, par exemple, ma maison et celle d’Habsbourg qui règne en Allemagne. — Vous avez sans doute vos raisons pour nommer premièrement la vôtre ? repartit l’imprudent interlocuteur. — Oui, Monsieur, dit alors M. d’Halville d’un ton imposant, parce que la maison d’Habsbourg date