Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 3.djvu/64

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de la faire traiter avec indulgence par la reine, le respect de Marie Leckzinska pour les volontés du

    roux l’ayant mis à la mode. Il était bien venu des femmes, parce qu’il avait mis son art au plus haut point de perfection. Les princesses du sang et les dames titrées avaient mis de côté leur valet de chambre, et voulaient être coiffées par ce perruquier qui devint l’enfant gâté des femmes de la cour. Dagé était bien fait de sa personne, facétieux de caractère et gascon. Se prévalant de la protection de madame la dauphine, belle-fille de Louis XV, il faisait l’important vis-à-vis du parti opposé. Madame de Pompadour, quoique fort embarrassée de son rôle, voulut se mettre au ton qui régnait dans ce temps-là, demanda Dagé, et fut obligée de négocier. Victorieuse de la résistance du coiffeur : Comment vous êtes-vous donné, lui dit-elle le premier jour qu’elle l’employa, une aussi grande vogue et la réputation dont vous jouissez ? — Cela est-il surprenant, Madame, lui répondit le facétieux Dagé, je coiffais l’autre. La toilette de madame de Pompadour était ce jour-là très-brillante et très-nombreuse. L’embarras des assistans fut douloureux et complet. Madame la dauphine, les dames de France répétèrent que Dagé coiffait l’autre, et ce mot ne contribua pas peu à former à la cour des divisions qui éclatèrent peu de temps après entre la famille royale et la favorite. Les princes et les princesses appelèrent madame d’Étioles madame celle-ci, et madame de Châteauroux madame l’autre ; Louis XV en fut désolé. » (Mémoires historiques et anecdotes de la cour de France, par Soulavie, T. I.)

    Le lecteur verra, lettre (J), par un passage piquant des Mémoires de madame du Hausset sur madame de Pompadour, qu’on faisait, pour lui enlever le cœur de Louis XV, au moins autant de tentatives qu’elle en avait faites elle-même pour s’en rendre maîtresse.

    (Note de l’édit.)