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roi, tout concourut à ce que la marquise fût assez bien vue par cette princesse. Le frère de madame de Pompadour reçut du roi des lettres de haute-naissance, et fut nommé surintendant des bâtimens et jardins. Souvent il faisait offrir à la reine, par la marquise sa sœur, les fleurs, les ananas, les primeurs les plus rares, venant des jardins de Trianon et de Choisy. Un jour que la marquise était entrée chez la reine, portant une grande corbeille de fleurs qu’elle tenait avec ses deux beaux bras sans gants, par signe de respect, la reine admira tout haut la beauté de la marquise, et par des éloges détaillés qui auraient convenu autant à une production des arts qu’à un être animé, elle semblait vouloir justifier le goût du roi. Le teint, les yeux, les beaux bras de la favorite, tout avait été le sujet d’éloges faits avec le ton de supériorité qui les rend plus offensans que flatteurs, lorsque la reine pria la marquise de chanter dans l’attitude où elle était, désirant entendre cette voix et ce talent dont toute la cour du roi avait été charmée au spectacle des petits appartemens, et réunir à la fois le plaisir des oreilles à ceux des yeux. La marquise, tenant toujours son énorme corbeille, sentait parfaitement ce que cette invitation avait de désobligeant, et cherchait à s’excuser sur l’invitation de chanter. La reine finit par le lui ordonner ; alors elle fit entendre sa belle voix, en choisissant le monologue d’Armide : Enfin il est en ma puissance. Toutes les dames présentes à cette scène,