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passe des soies sur les teintes négligées. Si la princesse est musicienne, il n’y a pas d’oreilles qui jugent si elle a chanté faux, ou au moins il n’existe personne capable de le dire : ce sont de légers inconvéniens que ce manque de perfection dans les talens des grands. S’en occuper, quoique médiocrement, est un mérite qui suffit en eux, puisque leur seul goût et la protection qu’ils leur accordent, les font éclore de toutes parts. La reine aimait l’art de la peinture, et croyait savoir dessiner et peindre, elle avait un maître de dessin qui passait toutes ses journées dans son cabinet. Elle entreprit de peindre quatre grands tableaux chinois, dont elle voulait orner un salon intérieur, enrichi de porcelaines rares et de très-beaux marbres de laque. Ce peintre était chargé de faire le paysage et le fond des tableaux ; il traçait au crayon les personnages ; les figures et les bras étaient aussi confiés par la reine à son propre pinceau ; elle ne s’était réservé que les draperies et les petits accessoires. La reine, tous les matins, sur le trait indiqué, venait placer un peu de couleur rouge, bleue ou verte, que le maître préparait sur la palette, et dont il garnissait à chaque fois son pinceau, en répétant sans cesse : « Plus haut, plus bas, Madame, à droite, à gauche. » Après une heure de travail, la messe à entendre, quelques autres devoirs de piété ou de famille appelaient Sa Majesté ; et le peintre, mettant des ombres aux vêtemens peints par elle, enlevant les couches de pein-