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Page:Canora - Poèmes, 1905.djvu/223

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vers l’humanité

 
S’il fallait murmurer : « quand tu seras guéri ».
Plus de montre un matin… la bague de famille
Disparaît à son tour — puis la petite fille,
Étreignant dans ses bras un gros pain tout entier,
Balbutie : « Ils ont dit que c’était le dernier ! »
Il a fallu partir ! ô suprême torture !
Et l’ouvrier est mort… sans qu’une bouche pure
Baisât ses yeux, glacés par le frisson final,
Mort… comme un vagabond, sur un lit d’hôpital !

Ô vous, les amants et les belles,
Qui, près des fraîches cascatelles,
Lisiez les tendres villanelles…
Celui par qui les mots très doux
Vous rirent… le connaissez-vous ?

Celui qui mettait un mystère
En vos yeux, vierges solitaires,
Celui dont la main pour vous plaire
Assemblait des contes charmants,
S’il vécut… savez-vous comment ?

Celui dont la ferveur ardente
Grava les notes enivrantes
De la romance que tu chantes,
Toi qui passes au soir doré,
Il est mort… tu l’as ignoré !