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Page:Capus – Qui perd gagne.djvu/18

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volonté avaient toujours empêché Farjolle de faire cette expérience.

Lorsqu’il abandonna ses études de médecine, après un examen malheureux, il vécut d’abord dans les tripots qui, à ce moment-là, pullulaient. Le long des boulevards, leurs larges fenêtres aux rideaux rouges raccrochaient les passants, et de la Madeleine à la Bastille, un pstt ! continuel vous attirait autour des cagnottes profondes. Il suffisait, pour entrer, de présenter poliment sa carte au valet de pied.

Farjolle se nourrit quelques mois des miettes qui tombaient de la table de baccarat, empruntant, jouant, truquant. Puis il se lia avec des agents de publicité et esquissa ce métier de la réclame fantastique et indéfinissable. Cela lui procurait, de temps en temps, un billet de banque qu’il risquait aussitôt.

À vingt-cinq ans, il retourna chez lui, à Rouen, où sa mère venait de mourir ; il y resta trois mois pour liquider la situation et rentra à Paris avec quinze cents francs environ. Pendant le trajet en chemin de fer, l’idée lui surgit d’employer cette somme à une œuvre pratique, comme l’achat d’un mobilier et le payement des dettes pressantes. À la deuxième station, il se voyait installé dans un petit entresol de la rue de Douai qu’il avait visité jadis par curiosité ; à Mantes, son projet lui parut irréalisable, et, lorsqu’il franchit les fortifications, il ne se faisait plus aucune illusion sur le sort de son héritage. En effet, le même fiacre qui porta ses bagages dans un hôtel le conduisit à son tripot familier où il perdit, à quelques sous près, les quinze cents francs, dans la nuit.

Le lendemain, il se réveilla à cinq heures de l’après-