Page:Capus – Qui perd gagne.djvu/19

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midi et sourit sans amertume en pensant à l’entresol de la rue de Douai. Il se rappela qu’il avait rendu la veille un louis à un garçon de jeu et il se hâta d’aller le lui réemprunter. Son existence ordinaire recommença.

Ses histoires de femmes étaient fort simples, ses intrigues ne variant que suivant le prix qu’il y mettait et la rue qu’il choisissait. Une fois, pourtant, il se crut amoureux d’une modiste, lui fit la cour et le soir du rendez-vous définitif n’eut pas d’argent pour lui payer à dîner. Il ne sut jamais où avait dîné la modiste ce soir-là. Le souvenir de cette aventure s’effaça bientôt.

La trentième année le surprit sans qu’il lui fût arrivé quelque chose de saillant ou d’imprévu, un grand chagrin, une joie, une émotion.

Il avait essayé de plusieurs professions sans s’y appliquer et sans réussir. Trois ou quatre mois reporter au journal l’Informé où il gagnait par-ci par-là vingt-cinq francs les jours d’incendie ou de catastrophe ; quelques mois aussi employé chez Letourneur, le grand banquier.

L’habitude de passer la nuit au cercle et de se lever à l’heure du dîner étant incompatible avec un travail assidu, il renonça bientôt à toute occupation régulière et se borna à traiter de menues affaires de publicité, suivant l’occasion. Il ne montrait une apparence de volonté et d’audace que dans cette lutte avec le client, et les rares fois qu’il se leva avant midi, ce fut pour forcer des industriels à « faire de la réclame » dans l’Informé.

Un hasard heureux — la publicité de Bretelles écossaises, conquise par un vigoureux boniment — lui permit de payer quatre-vingts francs par mois deux pièces