Page:Capus – Qui perd gagne.djvu/206

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de côté dans une bourse, et abandonnait le reste à Farjolle, plein de confiance dans sa veine et dans l’avenir. Parfois le souvenir de Velard lui traversait l’esprit : son aventure lui semblait déjà lointaine et effacée. Elle pensait à Velard comme au chef de bureau du ministère et à l’employé dont elle avait oublié les noms. Son ménage et son mari restaient les seules préoccupations de son existence. Elle rencontra le petit un jour, au coin de la rue Taitbout et du boulevard en rentrant chez elle : ils se trouvèrent face à face. Lui pâlit et s’arrêta. Elle continua son chemin sans émotion.

Velard la suivit des yeux quelques pas, espérant qu’elle se retournerait. Son amour, son désir continuel avaient survécu à la catastrophe de la rue Clément- Marot. Il ne pouvait croire que c’était fini, irrévocablement. Car, en réalité, il est rare qu’un flagrant délit se termine d’une façon aussi satisfaisante. Il supposait qu’Emma reviendrait, puisque rien de grave ne se passait. Il attendait à chaque distribution une lettre d’elle ; pas un rendez-vous, certes, mais un mot qui lui permettrait de répondre, de renouer la correspondance. Puis, on ne sait pas…

Rien. Les jours s’écoulèrent ; il essaya en vain de reprendre sa vie d’autrefois. Il revit Jeanne d’Estrelle, de plus en plus lancée. Elle ne fit aucune attention à lui. Elle avait oublié, elle aussi, tout à fait oublié !

Alors, il se lia intimement avec Brissot, le commissaire de police qui les avait surpris. Il l’invitait souvent à dîner, l’emmenait au spectacle. Brissot était un homme très gai et très blagueur en dehors de ses fonctions, bon vivant et d’une gourmandise extrême. Velard lui payait des dîners délicats, des vins exquis.