Page:Capus – Qui perd gagne.djvu/279

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
263
qui perd gagne

— Dans une heure, on vous apportera cinquante mille francs. Ceux-là, dites à Farjolle que je les lui prête et qu’il me les rendra quand il voudra.

Dans la rue, elle se sentit étourdie et se hâta de rentrer, voulant être seule, mettre ses idées en ordre, se reconnaître au milieu de toutes ces complications. Un secrétaire de Letourneur arriva presque en même temps, lui remit une grande enveloppe et disparut. Emma s’enferma dans sa chambre et décacheta l’enveloppe qui contenait cinq liasses de chacune dix billets de mille francs. Elle ne put s’empêcher de tressaillir de joie, et sa pensée se reporta vers Letourneur. Elle murmura : « C’est un bien brave homme. » Puis l’image de Velard se présenta à son esprit : « Il est gentil aussi, lui, car il est beaucoup moins riche que l’autre. » Elle éprouva subitement de la tendresse pour tous les deux. Malgré son attendrissement, elle ne put s’empêcher de sourire. Était-ce bizarre tout de même ? Du jour au lendemain, leur situation changeait. Le gros malheur qui avait bouleversé leur existence, devenait une simple épreuve, un mauvais moment à passer, après lequel des années heureuses commenceraient.

L’idée qu’il lui faudrait être pendant un mois la maîtresse de Letourneur ne la scandalisa pas longtemps. Ni lui ni Velard ne lui plaisaient. Non, en réalité, pas plus Velard que Letourneur. Son amour pour Farjolle, ou plutôt le besoin de vivre avec lui, la dominait absolument. Mais elle considéra ce sacrifice de sa personne comme une nécessité : les circonstances étaient trop graves, Farjolle avait été trop durement éprouvé par son arrestation, il allait être obligé de rester un mois en prison, peut-être ; c’était bien le moins que, de son