Page:Capus – Qui perd gagne.djvu/283

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Deux fois par jour il se promenait dans le préau, jetant un regard indifférent sur l’enfilade sombre et régulière formée par les murailles de la prison. Quand on le ramenait à la cellule, il allumait une cigarette, s’étendait sur la couchette, rêvassait, puis lisait. Les quatre murs, peints à la chaux, d’un blanc sale, les barreaux de la lucarne ne lui suggéraient pas des réflexions amères.

Il se laissait entraîner par les événements et triomphait facilement des pensées pénibles qu’ils lui suggéraient de temps à autre. « Je ne peux rien faire, à quoi bon me tourmenter ? » Il ne comparait pas sa situation actuelle avec les années écoulées : cela ne lui venait pas à l’esprit. En songeant à Emma, il se disait : « Nous nous tirerons toujours d’affaire, tous les deux. » Comment ? Il ne se rendait pas bien compte, mais avait confiance. La lettre de sa femme lui fit plaisir. Ils s’aimaient, et quoi qu’il arrivât, ne se quitteraient jamais. L’idée du scandale, des potins de ses camarades, ne lui causait aucun désespoir. « Quels tas de brutes, tous ces gens-là ; ma foi, ce me sera un soulagement de ne plus les fréquenter. »

La preuve que cela lui était égal, c’est qu’il choisit comme avocat Jacques Vernot, un membre de son cercle qui avait déjà une certaine réputation au palais, quoique très jeune. Il plaidait rarement, et se faisait faire beaucoup de réclame dans les journaux, grâce à ses relations. C’était un garçon d’une trentaine d’années, très spirituel, très drôle en société et fort répandu dans le monde de la fête. Il gagnait peu d’argent de son métier, mais vivait convenablement et dînait tous les soirs en ville.