Page:Capus – Qui perd gagne.djvu/30

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soin, sauf la moustache. Quoique de taille médiocre, court de jambes et carré d’épaules, il ne manquait pas d’une distinction facile et extérieure.

Les deux mille francs ne durèrent pas longtemps, mais Emma l’avait prévu, et, pleine de confiance, versa résolument dans le ménage un supplément de fonds.

Farjolle montrait d’ailleurs une activité extraordinaire. Il sortait tous les matins, courant de client en client. À l’époque où, continuellement décavé, il s’agitait des heures pour trouver cent sous, il admirait ceux qui ont toujours quelques louis en poche et savent où dîner chaque soir. Il en était là, par un brusque changement du sort. Il ne tenait plus qu’à lui de monter et de grandir.

Il restait encore à Emma trois ou quatre mille francs, six mois d’assurés. La chance se prononcerait d’ici là, et, certainement, il gagnerait leur vie à tous deux avant que les provisions soient épuisées. Emma non plus n’en doutait pas. Les nouvelles conditions de son existence ne la trouvèrent ni inquiète ni effarée : elle apportait, à la conduite de leur intérieur, cet ordre précis, cette implacable patience des femmes résolues à se défendre contre le hasard. Sentant qu’elle venait de risquer sa vie dans cette aventure, elle voulut, au moins, n’avoir aucune maladresse à se reprocher.

Avec une subtile intelligence, elle comprit que Farjolle ne changerait pas de mœurs du jour au lendemain, par le seul fait de la cérémonie matrimoniale, et ne passerait pas de l’extrême vagabondage à l’extrême régularité sans quelques oscillations.

— Tâche de jouer le moins possible, lui dit-elle. Tu