Page:Capus – Qui perd gagne.djvu/95

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différente de ses désirs ordinaires, une émotion instantanée qui le surprit. Leurs jambes, un instant, se frôlèrent et alors, tout d’un coup, il lui dit :

— Je ne pense plus qu’à vous… Oui, plus qu’à vous depuis le dîner…

Elle murmura :

— Vraiment ?

Ils firent encore deux ou trois tours, très vite. La valse cessa. Elle s’appuya sur son bras et alla s’asseoir dans un coin. Farjolle les rejoignit :

— Tiens ! tu as dansé. Tu as bien fait. Danse-t-elle bien, ma femme ?

— Fort bien, dit Velard.

— Monsieur Velard, donnez-moi un verre de sirop. Et s’adressant à son mari :

— Je vais me promener un peu avec toi, mon chéri, et puis, si tu veux, je danserai encore une valse. Voilà longtemps que je n’ai pas dansé, et ça m’amuse beaucoup. Monsieur Velard, si vous êtes disposé…

— Comment donc ?

Velard s’éloigna. Il se sentait soulagé d’une vive inquiétude. Enfin la conversation était engagée, il pourrait recommencer, savoir à quoi s’en tenir bientôt. Car il n’y avait pas à se dissimuler la vérité : il pensait maintenant à Emma toute la journée, à la Bourse, dans la rue, chez lui, le soir.

« Quel âge pouvait-elle avoir ? Trente ans, oui, elle avait trente ans et elle devait être sensuelle. Pourquoi supposait-il ça ? Aimait-elle son mari ? Un étranger voit-il jamais ces choses-là ? Elle l’aimait peut-être follement, peut-être pas du tout. C’est le mystère. Il avait vu dans cet ordre d’idées-là des situations extraordi-