Page:Carco - Au vent crispé du matin.djvu/13

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greniers d’où l’on entend chanter la pluie. Tu n’aurais qu’à me citer les voies de la Ville et je te dirais qu’à tel étage de vieilles prostituées attendent l’homme qu’elles fouetteront et dont elles creuseront la chair avec des pinces, des limes, de longs et froids outils vivants et des lames agiles.

Donnant sur des cours noires dont les dalles toujours mouillées blanchissent à de lointains reflets du jour, des loges étroites reçoivent des couples qui, jusqu’à la nuit, s’acharnent à souffrir…

Vénus, ta nudité d’ivoire, vénéneuse et fleurie d’images symboliques, hante mes longs après-midi d’hiver. Que d’instants j’ai passés, devant le feu qui rougeoyait, à me rappeler ton visage et le grand rire silencieux qui te tordait la bouche. Le jour brumeux restait suspendu dans l’air et, quelquefois, le cri des remorqueurs montant du fleuve arrêtait ma vie….

Vénus, n’étais-tu pas cette poupée, sans cheveu ni dents, peinte et sans voix ?… D’horribles et lentes voluptés m’ont attachées sur toi. Masque effrayant : tes yeux de plâtre avaient vieilli !


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