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Printemps

à Mario Meunier

Sur l’herbe mince du talus déjà vert elle s’étend. Son corsage de soie rouge, loque haillonneuse et splendide, est gonflé par la poitrine abondante, déjetée vers les aisselles. L’étoffe colle aux seins démolis et forts, à l’épaule puissante, aux reins superbes qui s’étirent. Car il fait bon s’étendre à plat ventre, les coudes crevant les touffes de gazon maigre.

La fille est tombée à genoux, puis longuement elle se couche, les mains en avant pour adoucir la chute. Un moment la croupe eut des remous de chair profonde. Maintenant les reins arqués pressent le sol.

Jouisseuse épaisse, rougeaude d’auberge à plaisir, elle est plus une bête qu’une fille, même vulgaire. Les maxillaires durs en font une brute. La lourde tignasse brune pend sur l’oreille et les ongles noirs fouillent la broussaille chevelue : ils y grattent avec délices, irritant d’un insaisissable chatouillis le derme gras.

Aux pentes des collines infléchies la lumière ondoie. Braise verte, bistre, rouge, elle se tord et ruisselle sur les

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